La Maladie du Coeur (11)

Publié le par Raziel

Un bruit sourd et répété extirpa Hurlit de son sommeil. Il ouvrit un oeil pour ne pas réellement mieux voir que s’il les avait laissés clos. Tout contre son visage était la chevelure de Alicia et ne laissait guère passer beaucoup de lumière. Il tenta alors de l’écarter avec sa main gauche, mais ne put la bouger. Alicia avait coincé son bras sous le sien. Hurlit sourit doucement et fronça les sourcils quand le bruit sourd se répéta une fois de plus, il comprit alors qu’on tapait à la porte. Il ouvrit alors les yeux en grand, cligna de l’oeil droit en raison d’un cheveu de la femme qui s’y était aventuré et tourna la tête vers le réveil, éloignant son visage des cheveux de Alicia au passage.
L’appareil affichait 16h12.
-Monsieur Logga ? crut-il alors entendre depuis derrière la porte.
Le corps d’Hurlit eut alors un vif regain d’énergie comme si on venait de lui injecter une quelconque substance dynamisante à souhait. Il s’empressa avec le plus de douceur possible de se défaire de l’emprise de Alicia et se leva pour aller répondre à la porte. Il s’arrêta alors à mi parcours quand il se rendit compte qu’il était complètement nu. Il chercha alors prestement de quoi se couvrir et enfila le peignoir qui trainait à côté de lui. Il ouvrit alors la porte.
Une femme de chambre se présenta à lui et l’observa, un sourcil haussé. Dans la confusion il avait revêtu le peignoir destiné à la gente féminine. La femme se reprit rapidement alors que Hurlit était des plus embarrassé.
-Bonjour monsieur Logga, je venais vous signaler que vous deviez avoir quitté les lieux avant 17h00, s’il vous plait.
La femme s’inclina alors. Hurlit acquiesça d’un hochement de tête, incapable de dire un mot, et la femme prit congé.
Le jeune homme referma la porte en soupirant. Il baissa la tête pour observer ce qu’il portait et grommela en secouant la tête. Il se tourna alors vers le lit et constata que Alicia l’observait, les yeux plissés pour éviter d’avoir mal en raison du flot de lumière trop important qui les agressait.
-Tu es mignonne, comme ça. Déclara-t-elle en souriant largement avant de s’étirer.
Hurlit fit la moue et alla s’asseoir sur le bord du lit en grognant quelque peu. Alicia l’enlaça alors et posa son menton sur son épaule droite.
-Tellement mignonne que tu me fais envie. Murmura-t-elle à son oreille.
Le corps de Hurlit se raidit à ses paroles et son visage vira au rouge alors que la main gauche de la jeune femme caressait son torse.
-On a le temps avant 17h00. Ajouta-t-elle en l’attirant vers elle et le forçant à s’allonger.


Hurlit se rhabillait désormais en quatrième vitesse, les sourcils froncés, alors que Alicia riait en faisant la même chose que lui.
-On a encore 5 à 10 minutes avant l’heure, Hurlit.
-Si on n’est pas hors du bâtiment avant l’heure, on pourrait avoir des problèmes.
-C’est ça qui est excitant. Fit-elle d’une voix sensuelle.
-Alicia… soupira-t-il à mi chemin entre l’exaspération et l’amusement.
La jeune femme pouffa alors de rire.
-Prête ! affirma-t-elle alors en s’emparant de son sac à main et se plaçant à côté de la porte. Elle observa alors Hurlit nouer les lacets de ses chaussures.
-Idem ! clama-t-il en se levant dans un sursaut et la rejoignant à la hâte.
Ils sortirent alors de la pièce. Hurlit regardait un peu partout autour de lui gêné pendant que Alicia arborait un sourire des plus larges. Ils prirent alors la direction de la sortie du club d’un pas pressé et bras dessus, bras dessous, comme s’ils tentaient de fuir en mêlant maladroitement rapidité et discrétion.


Après qu’un homme, montant la garde à l’intérieur et à proximité de la porte principale, leur ai souhaité une bonne fin de journée avec un sourire en coin, ils quittèrent tout deux le club. Alicia pouffa de rire et Hurlit soupira de soulagement.
-Tu as vu comment il nous a regardé le vigil ? Demanda-t-elle en reprenant son souffle.
-Je préfèrerais oublier mais, oui, j’ai vu.
-Tu fais des envieux. Déclara-t-elle en lui faisant un clin d’oeil et se plaçant devant lui.
-Je me demande s’il ne nous aurait pas plutôt pris pour des squatteurs…
Alicia éclata alors de rire au beau milieu du trottoir attirant les regards sur eux.
-S’il savait… il tomberait dans les pommes.
Elle le fixa dans les yeux et se mordit la lèvre inférieure dans un geste des plus provocateurs. Hurli détourna le regard et rougit quelque peu, gêné.
-Tu exagères, Alicia.
-Peut-être un peu mais… j’ai vraiment apprécié cette nuit. Murmura-t-elle.
Il reposa son regard sur elle et la vit alors dans un état qu’il ne lui connaissait pas. Elle semblait ailleurs, la tête baissée, rêveuse et gênée à la fois, jouant avec ses doigts. Elle releva soudain la tête et tout avait disparu.
-On remet ça quand tu veux ! clama-t-elle en écrasant le plat de sa main sur le torse du jeune homme avec un large sourire.
-D’accord. Répondit-il avec un léger sourire.
Elle pencha alors la tête et fit la moue.
-Te connaissant…
Elle fouilla alors dans son sac, en sortit un bout de papier ainsi qu’un stylo et commença à griffonner quelque chose dessus. Elle rangea le stylo et lui tendit le papier en souriant en coin.
-Mon numéro de téléphone ! T’as pas intérêt à le pommer et je veux de tes nouvelles, disons… au moins une fois par semaine.
Hurlit ouvrit la bouche pour s’exprimer mais elle plaqua immédiatement son index sur ses lèvres pour le faire taire.
-C’est non négociable, Hurlit !
Le jeune homme haussa alors les épaules, s’empara du papier et le fourra dans la poche de son pantalon.
-Je ferai ainsi alors. Déclara-t-il.
-Très bien ! Et ton premier message dès que tu as des nouvelles pour les secrets du jeune homme. Elle lui fit alors un clin d’oeil. C’est que si tu découvres quelque chose, je ne voudrais pas être laissée de côté et ainsi pouvoir me vanter de te connaitre.
Hurlit eut un large sourire et Alicia se mit à rire légèrement.
-Tu n’as pas changé d’un pouce.
-Je n’en ai nullement l’intention de toute manière. Affirma-t-elle en tirant la langue comme une enfant.
Hurlit sourit doucement et Alicia se pencha en avant pour déposer un baiser sur sa joue.
-Je vais te laisser, Hurlit. N’oublie pas de m’envoyer des messages que je puisse te harceler en retour. Elle ricana alors avant de sourire largement.
Hurlit fit une légère moue de désespoir et acquiesça d’un hochement de tête.
-J’y penserai, ne t’inquiète pas pour ça.
-Bien sûr que je m’inquiète. S’offusqua-t-elle. J’ai passé plusieurs mois sans aucune nouvelle de ta part !
Elle le fixa alors avec un regard réprobateur. Hurlit ne pipa mot, gêné et ne sachant que répliquer.
-Alors cette fois, je te laisserai pas disparaitre !
Elle tapa derechef sur son torse du plat de sa main et sourit doucement.
-Je file pour de bon cette fois, mon mari a besoin de moi pour que quelqu’un lui fasse à manger ce soir…
Elle secoua la tête de désespoir et fit un pas en arrière.
-Bonne fin de journée Alicia et… merci.
Elle sourit alors largement.
-Merci à toi !
Elle lui souffla un baiser après l’avoir déposé sur le plat de sa main et se mêla à la foule. Hurlit resta devant le club et l’observa disparaitre avant de se perdre dans ses pensées.


Une inconnue le bouscula soudain et il reprit ses esprits. Il secoua la tête légèrement. Après que Alicia ait disparu de son champ de vision, il était resté planté au milieu du trottoir à se remémorer la soirée et la nuit passée. Ses joues rosirent alors et il soupira avant de prendre le chemin menant à son lieu de travail.
Lorsqu’il se présenta devant l’infirmière en charge d’accueillir les personnes désirant quelque chose en rapport avec la Maladie du Coeur, elle haussa un sourcil, surprise de le voir ici.
-Monsieur Logga ? demanda-t-elle en penchant légèrement la tête de côté.
Hurlit pensa alors à la première fois qu’il l’avait vue. Elle se nommait Sylvia Bonmoty, était presque aussi grande que lui, blonde, cheveux longs et noués par un chouchou digne des petites filles de primaire, de corpulence moyenne et affichant toujours un sourire joyeux et pleine de mimiques, comme en témoignait sa tête toujours penchée sur le côté. Il sourit alors doucement, elle avait comme un don pour l’apaiser en un seul regard. En la voyant le premier jour, elle avait balayé tout son stress d’un battement de paupière en se présentant à lui pour lui présenter l’hôpital et surtout l’aile qui était consacrée à la Maladie du Coeur.
-J’aurais un service à te demander Sylvia, tu pourrais m’accorder un peu de ton temps ? demanda Hurlit en se plaçant devant elle, derrière la réception.
-Oui, bien sûr. Elle baissa alors la tête vers son moniteur. Donne-moi un instant pour régler une petite chose… Elle releva la tête d’un geste vif, arborant toujours son sourire. N’est-ce pas le jour de congé pour votre personnel ? le questionna-t-elle.
Il acquiesça d’un hochement de tête alors qu’elle reposait ses yeux sur son écran en pianotant sur son clavier.
-Si mais… je ne pouvais pas attendre demain.
Sylvia rit doucement.
-Je vois… Tu devrais tout de même faire attention de ne pas trop t’investir dans ton travail. Elle fit un clin d’oeil et tapa dans ses mains pour signaler qu’elle avait fini. Que puis-je pour toi, Hurlit ?
Elle le fixait désormais dans les yeux, sa tête derechef penchée sur le côté, attendant patiemment qu’il émette sa requête.
-Tu te souviens du jeune homme dont tu as dû faire un scan de sa photo et la diffuser dans tous les services ? Sylvia hocha de la tête positivement. Tu aurais le téléphone de ses parents ?
Sylvia fit une étrange moue et se perdit dans ses pensées. Elle en émergea quelques secondes plus tard.
-Ce sont eux qui m’ont contactée mais leur numéro doit figurer dans le registre. Elle redressa la tête puis la baissa vers son écran et commença à pianoter. Donne-moi trente secondes.
Hurlit la regarda faire, en silence, attendant patiemment qu’elle trouve ce qu’il lui avait demandé. Sylvia fronça les sourcils et approcha son visage de l’écran puis, finalement, sourit en coin.
-Je l’ai ! lança-t-elle alors sans quitter l’écran des yeux et fixant le numéro sans relâche. Je te le note…
Elle s’empara machinalement d’un post-it et du crayon qui était sur son bureau, à l’évidence elle savait parfaitement où elle plaçait ses affaires, et écrivit le numéro. Chose faite, elle releva la tête et offrit un large sourire à Hurlit en lui tendant le papier.
-Et voilà ! Facile. Bon mon écriture descend un peu à la cave mais ce n’est pas important. Déclara-t-elle dans un sourire pincé.
-Merci beaucoup, Sylvia. Et non ça n’a pas d’importance. Répondit Hurlit en lui rendant son sourire. T’es géniale !
Il fit un pas en arrière et s’apprêtait à la saluer dans le but de quitter les lieux mais elle le coupa dans son élan.
-Tu veux peut-être les appeler de suite ? lui proposa-t-elle en pointant le téléphone à sa droite. Je suppose que tu ne le fais pas pour des raisons personnelles, donc tu es en droit d’utiliser celui de l’hôpital, même si tu es de repos aujourd’hui. Elle lui fit alors un clin d’oeil et sourit une nouvelle fois.
Hurlit sembla réfléchir un instant puis acquiesça d’un hochement de tête. Le sourire de Sylvia s’élargit alors et elle s’empara du téléphone pour le tendre à Hurlit. Il la remercia alors et allait composer le numéro quand Sylvia lui fit non du doigt. Il haussa un sourcil et comprit que c’était déjà fait, il ne l’avait même pas vu s’exécuter. Il porta alors le combiné à son oreille et attendit
que quelqu’un décroche.
-Oui, bonjour ? fit une voix de femme à l’appareil.
-Bonjour, commença Hurlit, madame Joyau ? demanda-t-il alors.
-Elle-même, en effet.
-Je suis le docteur Logga, je suis en charge de mademoiselle Vertine, nous vous avons contactés il y a peu au sujet de votre fils… Toutes mes condoléances. Ajouta-t-il.
Hurlit posa ses yeux sur Sylvia qui l’observait et l’écoutait avec une grande attention, si quelqu’un venait à se présenter à elle, il lui faudrait insister pour qu’elle daigne lui offrir ses services.
Plusieurs longues secondes s’écoulèrent et, n’ayant pas de réponse de la part de la femme, Hurlit allait enchainer quand la voix reprit. Hurlit haussa un sourcil de surprise, ce n’était pas la même personne.
-Ici monsieur Joyau. Excusez ma femme, elle a encore du mal avec ce qui s’est produit.
-Je comprends, je suis désolé de vous contacter dans un tel moment mais j’aurais besoin de quelques renseignements au sujet de votre fils.
-Désirez-vous passer à la maison dans ce cas ? Proposa l’homme.
-Je… oui, bien entendu. Fit Hurlit quelque peu désemparé, il n’avait pas prévu que ce soit la famille qui propose. Il avait espéré expliquer la situation en totalité au téléphone et n’avoir qu’à passer pour chercher quelque chose dans la chambre du jeune homme et partir aussitôt. A l’évidence, il allait devoir faire ce qui avait été fait avec la famille Vertine, mais seul cette fois.
-Quand désirez-vous passer, docteur ? Nous sommes libres jusqu’à ce soir, si vous avez le temps aujourd’hui. Déclara alors l’homme.
-Je peux venir aujourd’hui, oui. Répondit simplement Hurlit.
-Avez-vous notre adresse ? Questionna monsieur Joyau.
-Je ne pense pas que l’hôpital la possède. Dans le doute pourriez-vous me la donner ?
-Alors… commença l’homme pendant que Hurlit prenait le stylo que Sylvia lui tendait gentiment ainsi que le post-it avec le numéro de téléphone. Nous vivons au 14 rue de la Lyre.
Hurlit nota prestement l’adresse, si bien que son écriture était encore plus bancale que celle de Sylvia qui avait écrit sans regarder. La jeune femme en sourit d’ailleurs dans un pincement de lèvre moqueur.
-C’est noté ! Affirma Hurlit. Avez-vous une préférence pour l’heure ?
-Et bien, vous pouvez venir dès que vous le désirez.
-Dans ce cas, puis-je être chez vous d’ici une demi-heure ?
-Oui, bien sûr. A dans trente minutes donc, docteur.
-A de suite, monsieur Joyau. Fit le jeune homme avant de raccrocher.
Sylvia le fixait impassiblement, un sourire au coin des lèvres.
-On sent l’habitude ! ria-t-elle.
Hurlit fit la moue puis grimaça.
-C’était si maladroit que cela ? demanda-t-il.
-Oh ! Ne t’en fais pas, il y a sûrement pire. Mais hâte-toi donc ou tu ne seras pas sur place dans les temps.
Elle lui fit alors un clin d’oeil et fit mine de reprendre son travail en le regardant du coin de l’oeil, un léger sourire sur le visage. Le jeune homme secoua la tête en haussant les épaules et tourna les talons.
-Merci, Sylvia. Dit-il juste avant de la quitter du regard.
-De rien, Hurlit, à charge de revanche.
Bien qu’il ne puisse la voir, elle lui fit un clin d’oeil en sachant pertinemment qu’il le devinerait. Il lui fit alors un signe de main sans la regarder et s’éloigna pour sortir de l’hôpital et se rendre chez les parents de Calixte.

Publié dans La Maladie du Coeur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article