La Fête d'Halloween (2)
La tornade se reforma doucement à proximité d'un bâtiment de pierre blanche et fit plier les arbustes le long du chemin principal et projeta quelques cailloux de l'allée dans l'herbe avoisinante. Lili reparut au sein du tourbillon d'air qui se volatilisa. Elle resta un moment immobile, la douleur était devenue extrêmement intense suite au voyage. Elle releva la tête et observa le bâtiment de ses yeux larmoyants. Elle avança doucement vers celui-ci en chancelant et finit par se laisser tomber sur les marches en poussant un cri de douleur étouffé. De la porte principale émanait une odeur de viande, de la musique, des rires ainsi qu'un mélange incompréhensible de paroles. Elle était évidemment devant une grande salle des fêtes où les invités s'amusaient à l'occasion d'Halloween. Elle inspira profondément, grimaça puis entreprit de faire ce pour quoi elle était venue.
-Soma ! appela-t-elle en fermant les yeux plein de larmes, le moindre effort la faisant souffrir.
Tout de suite après,elle souffla l'air qu'elle avait accumulé précédemment dans ses poumons et grimaça de douleur. L'expulsion d'air avait joué sur ses épaules et envoyé une décharge de douleur. Comme elle ne pouvait contenir ses paroles au creux de ses mains, elle se demanda si le message était parti où s'était dissipé dans la nature. Elle s'apprêtait à refaire une tentative quand la porte s'ouvrit brusquement. Une femme déguisée en chat noir accompagnée d'un homme accoutré d'un costume d'incube sortirent du bâtiment. La femme était alerte mais l'homme semblait perdu. Lili les dévisagea à tour de rôle et soupira de soulagement en distinguant les traits de la femme.
La femme la vit soudain au bas des marches et se précipita vers elle, totalement paniquée.
-Lili ?!
Elle s'agenouilla auprès d'elle, écarquilla les yeux en voyant les entailles sur ses épaules et déchira le tissu sans attendre. Elle fronça les sourcils en voyant que les plaies se refermaient très doucement et plaça une main à quelques centimètres de chacune des blessures. Un léger halo bleu apparut alors.
-Que s'est-il passé ? demanda alors la femme.
-On nous a attaqués. répondit-elle en fermant les yeux sous l'effet apaisant des soins que lui prodiguait la femme.
L'homme s'approcha et regarda la femme faire. Il était extrêmement attentif à ce qu'elle faisait, presque admiratif. Lili entama alors le récit de ce qu'il s'était passé à la clairière.
L'homme déguisé en incube but absolument chacune de ses paroles et ne bougea pas d'un pouce avant qu'elle ne termine son récit. Quand elle eut fini, l'homme se tourna vers Soma les yeux grands ouverts.
-Alors c'est à ça que vous êtes potentiellement confrontés chaque jour ?
-Oui, plus ou moins. répondit Soma.
L'homme les regarda à tour de rôle la bouche entrouverte.
-Il faut que tu y ailles maintenant, Soma. lança Lili en le regardant.
-Dès que j'aurai fini les premiers soins. dit la femme en fixant ses mains.
-Je pourrais finir Soma si tu veux ?
-Je suis désolé Eliade, mais, même si tu sais soigner, je préfère le faire moi-même.
L'homme se renfrogna, même s'il était admiratif de sa manière de soigner il n'en restait pas moins un très bon soigneur. Un silence pesant s'ensuivit alors.
-C'est quoi ce déguisement ? demanda soudain Lili autant par curiosité que pour briser l'atmosphère due à l'attente de la fin des soins et à la légère tension qui venait de s'installer entre Eliade et Soma.
-Un pari avec mes élèves, si je puis dire.
-On nous a bernés tout simplement. fit l'homme en fronçant les sourcils et fusillant la femme du regard.
Lili esquissa un sourire mais une grimace retrouva rapidement sa place sur son visage. Elle reprit la parole une fois la douleur passée.
-Je suppose que vous êtes donc une femme à l'origine ? demanda Lili à l'intention de l'homme.
-Oui, en effet. Je suis l'infirmière de l'école et si je trouve celui ou celle qui nous a joué ce sale tour il va passer un sale quart d'heure ! grommela-t-il en regardant le bâtiment.
Lili sourit à nouveau et son visage se tordit derechef sous la douleur.
-Lili ? interpella la femme.
-Oui, Soma ? répondit-elle après que la douleur se soit dissipée.
-Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
Lili ferma les yeux et baissa la tête.
-Je pensais te l'annoncer demain à la maison puis à tout le monde quand nous serions autour de la table pour le repas.
-Je vois, mais tu aurais dû inventer une excuse pour ne pas être de garde. fit la femme sur un ton de reproche.
-Il est hors de question que je reste sur la touche et laisse les autres protéger la clairière alors que je peux les aider.
-Au risque de le perdre ?
-Comme tu as pu le voir il est déjà bien assez coriace !
Elle tourna la tête pour clore la conversation qui ne mènerait à rien et Soma reposa son regard sur ses mains. L'infirmière fit mine de ne pas s'intéresser à ce qu'ils se racontaient mais avait tout entendu sans vraiment comprendre. Soma retira enfin ses mains de dessus le corps de Lili et se releva.
-Voilà, je ne peux guère faire mieux pour le moment mais il n'a effectivement rien. Soma se tourna vers l'infirmière qui se demandait qui pouvait bien être ce "il" pour lequel ils semblaient s'être brouillés. Tu pourras t'occuper d'elle jusqu'à ce qu'on vienne la chercher ?
-Bien sûr ! fit l'homme en se ressaisissant et lui souriant doucement.
-Et veux-tu bien rendre à ce déguisement son apparence d'origine ?
L'homme acquiesça puis pointa sa baguette sur Soma. Il fit quelques mouvements circulaires et le déguisement de chat se changea en une simple robe de soirée.
-Je dois y aller, prends bien soin de Lili.
-Pas de souci. répondit Eliade. En contre partie prends soin de ma robe.
-Prends soin de toi aussi, Soma. lança Lili avec un léger sourire.
Il acquiesça et sourit doucement avant de disparaître de la même manière que lorsque Lili avait quitté la clairière.
La femme, vêtue d’une robe de soirée, apparut aux abords de la clairière. Celle-ci était désolée. La terre était brûlée en divers endroits encore fumants, retournée en d’autres, parsemée de trous et de bosses, ainsi que quelques autres gelés ou presque marécageux.
La femme jeta rapidement un coup d’œil aux alentours. Il y avait une dizaine de corps étendus un peu partout, baignant tous plus ou moins dans une mare de sang. Aucun de ces corps n’étaient de sa connaissance.
Un bruit de pas saccadés, derrière elle, la mit soudain en alerte. Ce bruit était accompagné d’un autre, la personne qui approchait traînait assez difficilement quelque chose. En un instant elle fit volte face, tendit le bras et les couteaux, qu’elle venait juste de faire apparaître entre ses doigts, filèrent droit sur l’inconnu, qui ne bougea pas. Mais ceux-ci changèrent rapidement de trajectoire et se plantèrent sur le sol.
-James ?! s’écria la femme, étonnée. Qu’est-ce que tu fais là ? et les autres ?
L’homme resta de marbre, appuyé légèrement sur quelque chose d’invisible. La femme aux abords de ce champ de ruines, en tenue de soirée qui plus est, lui semblait familière mais il ne la reconnut pas.
-Qui êtes-vous ? demanda-t-il en grimaçant légèrement.
James avait les vêtements en lambeaux et couverts de sang. Son corps était parsemé d’entailles plus ou moins profondes et avait beaucoup de mal à se mouvoir.
-C’est moi, Soma. Lili m’a prévenu.
L’homme afficha un léger sourire qui se transforma rapidement en grimace sous la douleur. Il s’assit alors sur la souche juste à côté de lui.
-Et tu étais obligé de te déguiser en femme ?
-Petit imprévu. répondit-il en souriant. Les autres sont à l’intérieur ?
-Oui, je crois.
-Et toi, pourquoi tu es là ?
-Je n’ai pas pu les rejoindre et puis le nouvel arrivant s’en est pris à moi, un mystique Feu en plus.
-Un nouvel arrivant ?! Alors le loup de feu dont m’a parlé Lili était à lui ?
James hocha la tête en signe d’approbation.
-C’est pour ça que j’allais t’attaquer, je t’ais pris pour un éventuel vingt-deuxième.
-Et tu as eu de la chance que je ne sois ce vingt-deuxième, sinon tu serais mort, imbécile. Tu croyais faire quoi dans ton état ?!
Il haussa les épaules ne sachant pas trop quoi dire. La femme se plaça face à lui, l’observa un instant et reprit la parole.
-Apparemment les blessures ne sont pas trop graves, on te soignera plus tard. Sinon combien sont-ils à l’intérieur ?
-Six il me semble, en comptant celui d’eau et de feu. Quatre sur les six en ont un mais il me semble qu'on en a détruit. Mais tu sais à quel point les Servants sont résistants.
-Oui, je le sais. J’espère qu’ils ont eut le temps d’en faire apparaître et de tous s'en sortir...
La femme était tendue et surtout inquiète pour ceux qui étaient à l’intérieur.
-Quels éléments ? reprit Soma.
-Feu, Eau, Vent et Terre.
Soma réfléchit un instant.
-Déjà il faut que je me change. Il le fixa et James fit de même, se demandant ce qu’il allait faire. Tu as quelque chose à me donner ?
L’homme fit non de la tête. Soma le contempla un moment puis sourit. James regarda la femme droit dans les yeux, la sentant venir.
-Tu ne veux quand même pas que je …
La femme hocha de la tête.
-Allez, dépêche s’il te plait, il faut que je rejoigne les autres.
Il grommela et se retrouva, quelques secondes plus tard, en boxer et chaussettes. La femme prit les vêtements et le toisa du regard.
-Tu vas te retourner ?! lança-t-elle sèchement. C'est pas parce que c'est un corps provisoire que t'as le droit de te rincer l'oeil.
James se raidit, ce qui lui arracha une nouvelle grimace, et il se tourna. Soma retira délicatement la robe et enfila prestement les vêtements de James.
-C’est bon. annonça la femme.
Soma s’approcha de lui et lui tendit la robe.
-Tu l’abîmes, tu devras en répondre.
L’homme fit oui de la tête et prit la robe.
-Tu devrais arranger tes vêtements Soma, ça ne va pas avec ton corps. Tu n’arriveras pas à bouger comme tu le souhaiteras.
Soma grommela et posa ses mains sur les habits. Un geste précis, une lumière et la femme portait désormais un maillot à manches courtes relativement moulant de couleur bleu nuit, une jupe de la même couleur arrivant aux niveaux des genoux et des bas toujours de la même couleur.
-Parfait ! affirma-t-elle en souriant. Bon tu fais attention à la robe, j’y vais.
-Ouais, pas de problème Soma.
James resta assis, toujours en boxer, sur la souche et observa la femme courir vers l’entrée.