La Maladie du Coeur (1)

Publié le par Raziel

La Maladie du coeur.






-On a une urgence ! hurla l'homme en pénétrant dans le couloir plein d'infirmiers et de médecins qui s'écrasèrent sur les murs pour le laisser passer alors qu'il poussait un brancard avec une femme inerte dessus. Appelez le spécialiste des cas extrêmes ! continua-t-il en courant dans le couloir.
Un autre homme en blouse blanche se présenta alors face à lui et courut de l'autre côté du brancard.
-La situation, Hurlit ? demanda-t-il en posant deux doigts sur le cou de la femme.
-Femme, 21 ans, a eu une crise il y a environ dix minutes chez ses parents. annonça Hurlit.
-Encore la maladie du coeur. grommela l'homme. Si jeune... Gravité de la crise ? enchaîna-t-il.
-Crise violente voire extrême.
-Il va falloir la placer en salle d'isolement avant qu'une autre crise ne survienne.
-Julie ! hurla soudain une dame en se précipitant vers la femme inerte qui était transportée. Vous allez la sauver ?! implora-t-elle plus qu'elle ne demanda.
-Madame, fit le spécialiste, je suis désolé mais votre fille a très peu de chance de s'en sortir, elle souffre de la maladie du coeur et à un état très développé.
La mère porta une main à son visage puis fondit en larmes et son mari vint la soutenir.
-Vous êtes sûr docteur ? demanda l'homme. Ca ne peut pas être une crise d'épilepsie ou quelque chose comme ça ?
-Je suis navré. reprit le spécialiste.
-Non ! cria la femme. Pourquoi elle ? Nous l'avons pourtant bien élevée !
Elle tapa frénétiquement sur la poitrine de son mari et y enfouit son visage.
Les deux hommes se regardèrent et décidèrent de poursuivre leur route, laissant le couple seul avec d'autres personnes plus compétentes pour cette situation. Ils parvinrent enfin dans les locaux d'isolement. Une voix d'homme étouffée et des tapages répétés se faisaient entendre en continue.
-Violoni encore, c'est cela ? demanda Hurlit en ouvrant une porte.
-Oui, ça fait quelques semaines qu'il est là. Il résiste bien à la maladie mais ses crises s'aggravent. Je ne lui donne pas plus de deux semaines.
Ils poussèrent le brancard dans la pièce en grognant légèrement sous l'effort dû à la légère montée pour entrer dans la pièce. Les murs étaient tapissés d'un revêtement moelleux pour éviter que les malades ne se blessent contre les parois trop dures.
Ils détachèrent alors la fille du brancard et la posèrent délicatement à terre en soupirant.
-On ne peut vraiment rien pour eux ? demanda Hurlit.
Le spécialiste fit non de la tête en se plaçant devant le brancard prêt à le sortir de la pièce.
-Ce n'est qu'une hypothèse, mais il faudrait que celui qui lui a donné la maladie soit ici et encore en vie, ce dont je doute fortement puisqu'il doit être dans le même état ou six pieds sous terre et loin d'ici. D'autant plus que le malade ne crie pas toujours le nom de celui qui lui a donné la maladie. Il suffit de regarder Violoni, celle qui pourrait peut-être le guérir, et dont il scande le nom, est morte peu avant que ne se déclenche la première crise. Je me demande combien il y a de porteurs sains dans le monde et qui ne le savent pas.
Hurlit grimaça puis porta son regard en direction de la chambre de Violoni et resta à fixer le mur comme s'il voyait au travers.
-Pourquoi ne fait-on pas de test ? demanda Hurlit, fixant toujours le mur.
-Qui aurait envie de savoir s'il est porteur ? fit le spécialiste en grimaçant. Allez, aide-moi à sortir le brancard d'ici avant qu'elle ne se réveille.
Hurlit revint à lui et attrapa le lit roulant pour le sortir de la pièce avec le spécialiste. Il referma la porte et isola Julie du reste du monde.
-Tous ici souffrent de la maladie du coeur. annonça le spécialiste en s'adossant au mur et observant Hurlit qui regardait chacune des portes du long couloir.
-On dirait une prison. remarqua-t-il.
-Un couloir d'attente surtout, ces gens sont isolés ici et y meurent à petit feu. C'est pathétique.
Hurlit soupira bruyamment en s'appuyant contre le mur.
-Comment une telle chose peut-elle causer autant de ravage ?
-J'en sais rien mais je suis bien content de ne l'avoir jamais contractée cette foutue maladie. Finir ici, dans un tel état de démence, est bien mon dernier souhait.
Hurlit se plaça devant la porte de la chambre de Julie et l'observa. Elle était toujours dans la position dans laquelle ils l'avaient déposée. A terre, en chien de fusil, elle semblait si paisible. Toutefois il savait qu'une fois réveillée elle se mettrait à se jeter contre les murs en hurlant le prénom de celui qui l'avait rendu malade jusqu'à s'écrouler d'épuisement et s'asseoir au milieu de la pièce, sans rien dire ni bouger. C'est tout du moins ce qu'on lui avait appris à l'université, Julie était son premier cas.
-On reçoit environ une personne toutes les deux semaines ici. A Paris, ils ont un cas tous les deux jours voire plus, ce doit être vraiment infernal dans les grandes villes. Le spécialiste soupira et ferma les yeux en penchant la tête en arrière. Et personne ne sait les guérir, évidemment, et ne comprend vraiment la raison de la maladie. Que d'hypothèses improbables et impossibles à tester comme je t'en ai parlé tout à l'heure. Il se décolla alors du mur et fit grincer le brancard pour inciter Hurlit à le rejoindre. Les seuls à savoir ce qui se passent sont les malades et Dieu peut-être, si tant est qu'il existe. ajouta-t-il.
Hurlit dévisagea Julie une dernière fois et rejoignit l'homme pour l'aider à ranger le matériel.
-On est juste chargés de les entretenir alors, jusqu'à la fin ? demanda-t-il.
-Exactement. répondit l'homme. Et c'est pas toujours facile, autant moralement que physiquement. Une fois calme une autre crise peut survenir n'importe quand. C'est un vrai fléau cette maladie.
Ils arrivèrent à la sortie du couloir et la porte s'ouvrit sous la poussée du lit roulant. Ils passèrent le seuil et Hurlit se retourna en regardant le couloir qui semblait sans fin.
-Ne peut-on donc pas vaincre cette chose ? murmura-t-il alors que la porte se refermait dans un claquement sourd sur Julie et tous les autres.

Ils traversèrent de nouveau le couloir et, en repassant devant les parents de Julie, Hurlit n'osa pas poser ses yeux sur eux. Ils parvinrent finalement dans la salle de rangement et placèrent le lit roulant à sa place habituelle, prêt à être embarqué dans une ambulance.
-Tu penses qu'ils nous détestent ? demanda soudain Hurlit en s'écartant du brancard.
-Ses parents ? questionna le spécialiste en relevant la tête et s'approchant de lui.
-Oui. fit Hurlit à mi-voix. Nous sommes médecins et nous ne pouvons même pas guérir cette maladie. D'ailleurs personne ne semble la comprendre et réellement vouloir la guérir.
L'homme s'arrêta à côté de Hurlit et fixa la porte de sortie. Le silence s'installa alors et se fit pesant.
-Cette maladie fait peur. déclara le spécialiste en tournant la tête vers Hurlit. Personne ne veut plus l'étudier, ils ont bien trop peur d'être contaminés.
-A cause du cas du docteur Ikho ? C'est cela, n'est-ce pas ?
-En effet. fit le spécialiste songeur. Il fut le premier à s'intéresser de près à cette maladie. C'est d'ailleurs lui qui a émit l'hypothèse que le malade appelait celui qui lui avait transmis la maladie et que ce responsable était probablement capable de le soigner. Mais à chaque fois qu'il pensait avoir trouvé ledit responsable, lui aussi était malade ou mort. Il n'y avait donc aucun moyen de lui soutirer quelque information sur la maladie. Finalement, le docteur Ikho a aussi été victime de cette maladie. Calvin soupira. Je ne sais pas comment cela s'est produit, ça fait bientôt quarante ans que je travaille dans cette section et je ne suis pas malade. Pourtant je côtoie les malades chaque jour et d'assez près.
-Oui j'ai lu tous les rapports du docteur et tout ce qui concernait ses recherches... Le mode de transmission semble tellement particulier et incompréhensible. soupira Hurlit. Quelle maladie déroutante.
Hurlit serra les poings avec force et son corps se crispa.
-Personne ne t'empêche de risquer ta vie à chercher un moyen de les sauver. affirma le spécialiste en souriant doucement et posant la main sur son épaule.
Hurlit se détendit de tout son corps et soupira.
-Je te conseille de te pencher sur le cas de Julie. Elle vient tout juste d'arriver, la maladie est récente. Je ne veux pas t'insuffler un faux espoir mais c'est avec elle que tu as le plus de chance de trouver un moyen de les soigner.
Hurlit ferma les yeux et grimaça légèrement. Il ne pouvait pas laisser la jeune femme ainsi et devait tenter de la soigner, c'était son rôle en tant que médecin après tout. Mais risquer sa propre vie pour une issue si incertaine.
Il rouvrit soudain les yeux, une lueur brillait au fond de ses pupilles et le spécialiste sourit de plus belle.
-Je vais chercher un moyen de la sauver, elle et tous les autres. déclara Hurlit.
Le spécialiste se mit alors à rire doucement et Hurlit le regarda froidement.
-On dirait un gosse. affirma le spécialiste en riant toujours.
Hurlit serra les dents et le fixa sans relâche. L'homme reprit tout à coup son sérieux et le fixa avec la même intensité comme s'il le défiait.
-Toutefois tu es nouveau ici, tu n'as aucune réputation ni la confiance des proches des patients, personne n'accédera à tes requêtes facilement. C'est pourquoi je vais t'aider. déclara l'homme en souriant en coin.
Hurlit desserra les dents, sa bouche s'entrouvrit et ses yeux s'agrandirent à ces mots.
-En revanche, si je venais à attraper cette foutue maladie, je veux que tu mettes fin à mes jours au lieu de m'enfermer. Tu as compris ? ajouta l'homme avec au moins autant de sérieux que la déclaration précédente.
Hurlit balbutia et le spécialiste le fit taire d'un geste sec du bras.
-Soit tu acceptes, soit tu te débrouilles seul, Hurlit.
Hurlit le fixa un instant et hocha finalement de la tête avec force.
-J'accepte.
-Bien. fit le spécialiste. Retournons donc voir Julie, peut-être est-elle réveillée.
Il prit alors la direction de la sortie et Hurlit le suivit, décidé à trouver un moyen de sauver la jeune femme.

Ils arrivèrent devant la porte donnant sur le couloir des malades. Le spécialiste allait l'ouvrir quand une voix de femme se fit entendre.
-Calvin ! Calvin Lokki ! cria-t-elle.
Le spécialiste stoppa alors son geste et fit volte-face. Hurlit fit d'ailleurs de même, se demandant ce qu'il se passait pour qu'une femme appelle le docteur par son prénom.
Elle s'arrêta devant eux, essoufflée. Le spécialiste prit la parole pendant qu'elle reprenait haleine, les mains sur ses genoux et la tête penchée en avant.
-Qu'y a-t-il Flaminia ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.
La femme ne répondit pas et continuait à reprendre son souffle, elle avait vraisemblablement couru sur une longue distance.
-Qui est-ce ? en profita Hurlit en posant ses yeux sur Calvin.
-La soeur de Violoni et ma voisine, aussi. répondit Calvin.
La femme releva ensuite la tête et reprit la parole.
-J'aimerais passer la nuit avec mon frère. déclara-t-elle.
Calvin et Hurlit se raidirent. Le spécialiste allait prendre la parole mais la femme l'en empêcha.
-Je pars pour un long voyage demain, je veux rester une dernière fois auprès de mon frère. S'il te plait. l'implora-t-elle.
Hurlit posa ses yeux sur Calvin et attendit sa réponse. L'homme semblait hésiter mais répondit finalement à la requête de la femme.
-Tu ne pourras pas être dans la même pièce que lui, juste devant la porte. Tu comprends, Flaminia ?
-Oui je comprends très bien. dit-elle en hochant la tête. Merci Calvin. ajouta-t-elle.
-Tu devrais retourner chez toi prendre une couverture. lui conseilla Calvin. Le couloir n'est pas chauffé et n'est pas des plus moelleux.
-Tu as raison. acquiesça la femme. Je reviens d'ici une heure. Tu seras encore là ?
-Bien sûr. Il faut que les malades dînent. répondit Calvin.
-A tout à l'heure alors. fit la femme en jetant un bref coup d'oeil méfiant à Hurlit avant de faire demi-tour pour quitter l'endroit.
Hurlit se rendit bien évidemment compte de ce regard et grimaça fortement.
-Ils finiront bien par te faire confiance. déclara Calvin en haussant les épaules. Tu es censé me succéder après tout, ils n'auront pas le choix.
Hurlit se sentit alors mal à l'aise et Calvin poussa la porte.
-Focalise-toi sur Julie, c'est ce qui est le plus important pour le moment. affirma Calvin en pénétrant dans le couloir.
Hurlit se reprit, Calvin avait raison, le plus important était de tent
er de sauver Julie.

Publié dans La Maladie du Coeur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article